Homélie du 1er décembre 2024 à Viviers + Hervé Giraud, archevêque-évêque de Viviers
Le premier dimanche de l’Avent marque le début d’une nouvelle année liturgique. L’Évangile qui nous accompagnera au cours de cette année sera celui de saint Luc. Aujourd'hui nous nous préparons à attendre l’avènement du Christ : certes il est déjà venu, mais il viendra de nouveau et surtout il vient encore pour être reçu aujourd’hui dans l’eucharistie.
Au temps de saint Luc, en l’an 70, il y eut la destruction du Temple. Saint Luc décrit peut-être l’attitude des Juifs terrorisés par la chute de la ville de Jérusalem : « Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. » Souvenons-nous l’émotion provoquée en France et dans le monde entier, il y a cinq ans, par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Est-ce la fin d’une époque ?
Que font alors les disciples du Christ en 70 de notre ère devant ces événements ? Ils méditent sur cette chute : est-ce la fin des temps ? Est-ce le retour glorieux du Christ, sa venue en gloire, 40 ans après sa mort et sa résurrection ? Certains disciples autour de saint Luc ont donc dû penser : « notre rédemption approche. »
Et pourtant la chute de Jérusalem, certes dramatique, ne fut pas la fin de tout. L’incendie de Notre-Dame non plus. Saint Luc comprend que l’histoire de l’Église n’en est qu’à ses débuts. Il écrira d’ailleurs les Actes des Apôtres. C’est le temps de la mission, de l’annonce de cet événement central de l’histoire qu’est la résurrection de Jésus, du Fils de Dieu. Nous sommes donc invités à ne pas avoir peur des événements dramatiques. L’heure est au témoignage.
Pour nous cela signifie que l’histoire a une direction. Elle n’est pas absurde. Elle est certes chaotique, semée d’événements douloureux, dramatiques. Mais l’histoire continue. Malgré les soubresauts, les désillusions parfois, les malentendus, les erreurs aussi, la vie continue, et parfois ressuscite déjà. Il faut parfois peu de choses pour que le Seigneur, d’une certaine manière nous renouvelle intérieurement. Certes le péché détruit la fraternité, dévie la vérité, emprisonne la liberté. Mais l’histoire ne perd ni le Nord, ni son Orient. Le Christ demeure avec nous jusqu’à la fin du monde. Il est vraiment ressuscité.
Notre histoire aura donc une fin. Déjà, personne de nous n’est immortel, pas plus que le Christ. Il est vraiment mort sur la croix. Et cette mort reste profondément mystérieuse. Charles de Foucauld a beaucoup médité sur cette mort en croix de Jésus en mettant sur la bouche du Christ ce qui est devenu comme une prière : « Je suis prêt, à tout ». Non pas « prêt à tout », mais « prêt – virgule - à tout ». Jésus n’a pas vécu en héros, avec une fausse radicalité. Il a essayé toute sa vie d’être prêt : « Mon cœur est prêt, mon Dieu, mon cœur est prêt » (Ps 56,8). C’est bien tout le sens de l’Avent : nous tenir prêt à ce qui peut advenir. La mort est bien notre lot le plus commun. Mais surtout l’histoire elle-même aura une fin. Cette fin sera, non pas catastrophique, mais heureuse : « Ils verront le Fils de l’homme venir sur une nuée ». Le Fils viendra de nouveau vers nous. Nous n’allons ni vers un vide éternel ni vers un silence éternel mais vers Celui qui nous a créés et qui nous aime. Mieux, comme pour Noël, ce n’est pas nous qui allons vers Lui, c’est Lui qui vient vers nous.
Inutile donc de nous affoler quand nous voyons les actualités, même dramatiques. La reconstruction de la cathédrale Notre-Dame à Paris est un signe que tout peut renaître des cendres. Le message chrétien est un message de joie, de réconfort, mais surtout d’espérance. L’année jubilaire qui commencera le 29 décembre prochain nous invite à être des « pèlerins d’espérance ». Notre vie est une attente ou plutôt une suite d’attentes : attente d’une visite pour une personne âgée, attente d’un salaire, attente d’un heureux événement, attente de Noël, attente d’un sacrement. Nous sommes faits pour attendre, et pour attendre quelqu’un, le Fils de l’homme.
Et pour bien attendre, il faut aussi de bonnes dispositions. Jésus nous les indique : « Restez éveillés et priez en tout temps ». Ne pas nous endormir par le matérialisme, rester éveillés sur les grands enjeux de la vie humaine : l’avenir de la terre, de nos liens sociaux, de la dignité des plus faibles. Ne nous laissons submerger par nos soucis. Pour cela arrêtons-nous de temps en temps. Posons-nous les questions qui comptent : « Qui suis-je ? D’où venons-nous ? Et surtout, où allons-nous ? ». Les jeunes sur les Réseaux sociaux posent ces questions-là aussi. Le chrétien est celui qui regarde au loin. Le chrétien ne fonce pas tête baissée dans le mur. Nous regardons vers Celui qui vient. Dans les lectures de la messe de ce dimanche, tous les verbes sont au futur : « J’accomplirai la promesse de bonheur (…) On verra le Fils de l’homme venir dans la nuée… ».
Comme je l’écris dans ma 2e lettre aux ardéchois qui paraît aujourd'hui, nous avons besoin de gestes pour fortifier l’espérance. Prenons des initiatives pour « soutenir une alliance sociale pour l’espérance » (Pape François). Chacun peut déjà partager ses espoirs, ses initiatives là où il est. Le bien ne fait pas de bruit, et il nous revient à tous de le propager plus vite que les récentes inondations en Ardèche ou à Valence en Espagne. Rien ne doit ébranler notre espérance. Rien ne doit entamer nos solidarités. À chacun de voir comment transmettre « la joie de l’espérance » (Rm 12,12).
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