Homélie du 1er septembre 2024 - Ordination diaconale de Baptiste Charmette

Les textes pour cette ordination diaconale ont été choisis par l’Église. Certes nous aurions pu en prendre de plus adaptés à cette étape si importante pour Baptiste et pour notre Église diocésaine. Mais nous vivons au rythme de l’Église catholique, tout comme nous vivons au rythme de notre monde. Nous faisons confiance à l’Esprit pour nous inspirer, à partir de la Parole de Dieu, les appels pour notre Église. Saint Jacques nous le demande instamment : « Accueillez avec douceur la Parole de Dieu semée en vous ».

Dans l’Évangile il est notamment question de mains impurs, d’attachement à la Tradition des anciens. En ce jour d’ordination diaconale je vous propose de relier Tradition et service. Ce mot de Tradition a été malmené dans notre histoire ecclésiale en France au point de créer des fractures. Or la Tradition indique d’abord une entrée dans une très grande histoire, un souci de garder en mémoire le meilleur de nos décisions ou de nos réflexions communes.

Aujourd'hui par cette ordination diaconale, nous écrivons la Tradition dans le sillage des anciens. Nous écrivons une nouvelle page diocésaine, sans renier les précédentes. Bien plus, nous les prolongeons. Comme disait Bernard de Chartres au 12e siècle : « Nous sommes des nains sur des épaules de géants ». Le pape François le dit autrement dans Fratelli tutti : « Chaque génération doit faire siens les luttes et les acquis des générations passées et les conduire à des sommets plus hauts encore. » (Fratelli Tutti n°11). Car notre présent vient de l’avenir, il dépend du Christ qui vient. N’idéalisons donc pas le passé. Saint Augustin le disait en son temps : « Le passé, dont tu crois que c’était le bon temps, n’est bon que parce que ce n’est pas le tien. » Ce passé ne reviendra jamais car il n’a jamais existé sous la forme que nous lui prêtons. Cherchons donc à comprendre l’humanité non pas seulement du point de vue de son passé, mais du point de vue de son avenir « sans nostalgie pour un hier irrémédiablement passé » disait Joseph Ratzinger, mais aussi « sans impatience pour un demain qui ne nous appartient pas. » Il nous faut simplement garder la mémoire et les leçons du passé en conservant le meilleur de nos traditions. C’est le Christ qui nous y invite. Il veut que nous élargissions nos points de vue, sans perdre les nôtres. Il nous invite dans l’Évangile à retrouver le sens des hiérarchies : à discerner ce qui est humain et ce qui vient de Dieu. Si comme dit saint Jacques « les dons parfaits proviennent tous d’en haut » d’autres dons peuvent venir des hommes.

En parlant de hiérarchie, j’employais dernièrement à Mercuer, lors de l’institution au lectorat et à l’acolytat de René, une image pour exprimer le parcours de ceux et celles qui veulent servir de plus près le Christ. C’est l’image d’un escalier qui descend au fur et à mesure que nous voulons servir l’Église par des ministères reconnus, baptismaux, institués ou ordonnés. Il nous faut devenir de plus en plus serviteurs. Plus « on grimpe dans la hiérarchie » plus on doit s’abaisser comme le Christ qui a voulu être parmi nous « comme celui qui sert », jusqu’à mourir sur la croix. Cette ordination nous invite donc à retrouver le sens originel et donc diaconal de la Tradition. Car la Tradition et Saintes Écritures vont ensemble : elles sont toutes au service de la Parole de Dieu, le Christ vivant aujourd'hui.

Dei Verbum écrit avec une belle image : « Cette sainte Tradition et la Sainte Écriture de l’un et l’autre Testament sont comme un miroir où l’Église en son cheminement terrestre contemple Dieu. » Le miroir est par définition devant nos yeux ! Et il permet de nous regarder… tout en voyant ce qu’il y a derrière nous ! Ce que nous voyons dans le miroir est notre visage mais il devrait surtout être l’image de Dieu éclairée par Celui qui vient. Benoît XVI disait : « La Tradition c’est la présence permanente et efficace du Sauveur ». Elle n’est pas une collection de choses mortes, mais le fleuve vivant dans lequel les origines sont toujours présentes.

Jésus pour vivifier la tradition en appelle précisément aux Écritures : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet… » La Tradition n’est là que pour servir la Parole de Dieu : « La foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ. » (Rm 10,17). Il nous est bon de lire la Parole de Dieu et de la méditer chaque jour. Le Concile l’a rappelé fortement au n°26 de la Constitution Dei Verbum : « On peut espérer qu’un renouveau de vie spirituelle jaillira d’une vénération croissante de la Parole de Dieu, qui demeure à jamais. » C’est cette parole qu’il nous faut entendre et faire entendre. Le meilleur service à rendre à notre humanité c’est de faire entendre la Parole de Dieu, et pas seulement le kérygme, mais bien les versets lumineux que l’Église nous propose chaque jour : sans la Parole de Dieu méditée, même brièvement chaque jour, nous ne tiendrons pas dans la fidélité. La Parole de Dieu est un trésor inépuisable de vie et d’espérance qui nous engendre dit saint Jacques : « Le Père a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. » (Jc 1, 18) Belle mission !

Baptiste, tu vas continuer ta route comme diacre vers le presbytérat (et non le sacerdoce comme on le dit trop souvent). Le sacerdoce est d’abord celui du Christ et celui, commun, des fidèles. C’est le sacerdoce du Christ et celui de tous les fidèles (ministres compris) qu’il te faudra servir. Cette ordination alimentera en toi le devoir de demeurer serviteur dans toutes les missions que tu recevras dans ta vie. Comme tu pars faire des études patristiques à Rome et étudier la Tradition des Pères des premiers siècles, je ne peux manquer de te citer saint Augustin : « Avance sur ta route, car elle n’existe que par ta marche. » Et c’est valable pour nous tous. Suivre le Christ, c’est aussi accepter une précarité existentielle. Et c’est ainsi que nos chemins de croix deviendront des chemins de Pâques en transmettant la Parole qui ressuscite nos vies dans le Christ.

Mgr Hervé GIRAUD

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